mardi 27 août 2013

Visiter le Taj Mahal par soi-même


(Paru dans le cahier voyage de La Presse + le 8 juin 2013)
(Agra, Inde) - Vous rêvez de voir le Taj Mahal, mais les voyages organisés vous horripilent ? Avec un peu de débrouillardise et d'esprit d'aventure, il est possible de visiter à son rythme cette merveille architecturale de l'Empire moghol et, du même coup, deux autres lieux historiques de la même époque, moins connus, mais aussi inscrits au patrimoine mondial de l'UNESCO.
De la capitale indienne New Delhi, le Taj Mahal n'est qu'à 200 km, direction sud-est, dans la « petite » ville d'Agra (1,7 million d'habitants). La plupart des agences de voyages proposent un aller-retour en autocar dans la même journée. Option la plus facile, qui ne laisse toutefois que peu de temps et de liberté pour visiter le majestueux mausolée, érigé par l'empereur moghol Shâh Jahân entre 1631 et 1644 à la mémoire de sa femme préférée (il en a eu trois), morte en couches à la naissance de son 14e enfant.
Dommage d'avoir fait toute cette route si on ne peut observer - et photographier - sous différents angles et lumières ce complexe de marbre à la symétrie parfaite, qui a le pouvoir d'émouvoir même les âmes en général imperméables aux prouesses architecturales.
De nombreux trains relient quotidiennement New Delhi et Agra en trois heures. Moyennant une commission variant de 50 à 150 roupies (1 $ à 3 $), n'importe quel hôtel ou petite agence de la capitale vous réservera un billet dans un compartiment climatisé (environ 6 $ l'aller simple). Mieux vaut toutefois s'y prendre quelques jours à l'avance.
Il est également possible d'acheter soi-même un billet électronique sur le site web des chemins de fer indien (irctc.co.in), à condition de disposer d'une carte de crédit American Express et d'énormément de patience...
À peine a-t-on foulé le sol d'Agra qu'on comprend pourquoi plusieurs voyageurs choisissent de ne pas s'éterniser dans cette ville sale, bruyante et chaotique, même en comparaison avec le reste du pays. La cupidité ambiante, corollaire du tourisme de masse, agresse à tout instant, des chauffeurs de rickshaws (taxi à trois roues) aux vendeurs de souvenirs ou de paani bottle (bouteille d'eau).
Pour éviter la mauvaise surprise d'un hôtel salubre seulement sur photo, nous n'avons rien réservé au préalable. Conclusion après la visite d'une dizaine d'hôtels : si la cohabitation avec les coquerelles dans une chambre crasseuse et inconfortable (mais bon marché) ne vous dérange pas, il est facile de se loger à quelques centaines de mètres du Taj Mahal. En bonus, le restaurant sur le toit de plusieurs des hôtels de Tajganj - le vieux quartier qui ceinture le Taj - offre une vue imprenable sur le monument. Autrement, mieux vaut trouver refuge dans l'un des établissements plus modernes (et plus chers), deux ou trois kilomètres plus loin.
Le Taj à l'aube
Certes, dormir à Agra comporte bien des désagréments, mais la récompense est inestimable. Elle se récolte à l'aube, vers 6 h ou 7 h, lorsque le Taj Mahal se présente devant nous, bien avant l'arrivée des autocars organisés, de la chaleur accablante et du soleil aveuglant qui règnent tout le reste de la journée.
Dès l'ouverture, des guides polyglottes attendent les touristes. Si vous choisissez de retenir les services de l'un d'entre eux, veuillez vous entendre dès le départ sur le prix et vous assurer qu'il est bien accrédité par les autorités. Nous avons pour notre part préféré nous contenter des informations fournies par notre guide de voyage.
Il nous aura fallu quatre heures pour faire le tour du complexe. Quatre heures bien remplies, passées à inspecter les motifs de pierres précieuses incrustées dans les murs du mausolée (pietra dura), à s'imaginer des personnages dans les nuances du marbre (telle cette troublante apparition d'Albert Einstein au-dessus de la porte nord - voir photo), ou encore à observer les familles de singes rôdant sur les fortifications.
À ne pas manquer non plus, le minuscule musée du Taj, un peu en retrait des jardins, où l'on retrouve les plans du complexe ainsi que des portraits peints sur ivoire de Shâh Jahân et de sa chère femme Arjumand Banu, surnommée Murtaz Mahal, « l'élue du palais ».
Fort d'Agra et Fatehpur Sikri
Plus grand fort d'Inde, le Fort rouge d'Agra, deux kilomètres à l'ouest du Taj, constitue en soi une bonne raison d'étendre son séjour dans la ville. Beaucoup mieux conservée que son homonyme de Delhi, cette forteresse impériale moghole est un parfait exemple des influences hindoues, islamiques et autres sur l'architecture de cette dynastie. Entre le XIe et le XVIe siècle, les empereurs y ont successivement ajouté leur touche, un palais à la fois. C'est également ici que Shah Jahân, détrôné et emprisonné par son propre fils, a passé les huit dernières années de sa vie, avec pour seule consolation une fenêtre donnant sur le Taj Mahal, où reposait l'amour de sa vie.
Pour en finir avec la découverte de la folie des grandeurs des souverains moghols, il ne reste plus qu'à monter à bord d'un autocar déglingué en direction de Fatehpur Sikri, à une trentaine de kilomètres d'Agra, sur une route (heureusement) plutôt linéaire.
Au milieu du XVIe siècle, l'empereur Akbar avait décidé de déplacer la capitale d'Agra vers ce petit village perdu, après que ses prières auprès d'un vieil ermite local lui eurent donné trois fils. Quelques années plus tard, alors que les palais pour ses trois femmes - une hindoue, une musulmane et une chrétienne - et autres édifices majestueux venaient à peine d'être terminés, la ville a dû être abandonnée. L'emplacement était trop isolé du reste de l'empire pour en être le centre, sans compter que l'approvisionnement en eau y était déficient.
Visiter Agra et ses environs par soi-même, c'est admirer les excès d'opulence de l'Inde d'hier... mais aussi se frotter à la désorganisation de son industrie touristique actuelle.

1 commentaire:

Circuit Inde a dit...

Un article ma foi fort intéressant et fort instructif, merci!

Marion