jeudi 3 avril 2008

Des fidèles russes d'une secte apocalyptique refont surface

Article publié dans La Presse le 3 avril 2008 et sur Cyberpresse.ca

Frédérick Lavoie
Collaboration spéciale
Moscou

Pas facile d’attendre la fin du monde sous terre. Hier, trois des derniers adeptes de la secte orthodoxe russe Jérusalem des montagnes, retranchés dans un abri depuis cinq mois, sont retournés à la vie terrestre.

En novembre dernier, à l’appel de leur chef spirituel Pavel Kouznetsov, 35 membres de la secte s’étaient installés dans la cavité d’un ravin, près du village de Nikolskoïe (700 km au sud-est de Moscou).

Ils emportaient avec eux toutes les provisions nécessaires pour survivre jusqu’à l’Apocalypse, que leur gourou leur prédisait pour mai.

Les autorités s’inquiétaient particulièrement du sort des enfants qui se trouvaient parmi eux, dont un bébé de moins de 2 ans, qui est finalement sorti hier avec sa mère et sa sœur de 15 ans. Des géologues avaient prévenu des dangers de glissements de terrain, qui menaçaient d’engloutir tous les croyants.

Signe de Dieu

Vendredi, un premier effondrement du sol avait convaincu sept disciples à retourner à la surface. Ils s’étaient auparavant vu garantir par les autorités qu’ils pourraient attendre l’Apocalypse tranquillement dans la maison de leur chef à Nikolskoïe, situé dans la région de Penza.

Mardi, 14 autres membres de la secte ont quitté l’abri, pour aussitôt se cloîtrer afin de prier, refusant toute aide médicale. « Ils disent que Dieu leur a envoyé un signe, leur ordonnant de sortir après le quatrième effondrement », avait alors indiqué le vice-gouverneur de la région, Oleg Melnitchenko.

Pour convaincre les 11 récalcitrants toujours sous terre, les autorités ont libéré provisoirement leur gourou, interné pour démence dans un hôpital psychiatrique. Pavel Kouznetsov fait face à des accusations criminelles pour incitation à la haine religieuse et pour création d’un groupe religieux qui utilise la violence contre des citoyens.

Selon les autorités, il a prévenu hier ses fidèles que Dieu lui-même avait fait s’effondrer une partie du refuge afin qu’ils sortent, spécifiant que d’agir contre la volonté du Tout-Puissant serait un gros péché.

Une secte parmi d’autres


La secte de Jérusalem des montagnes n’est qu’un cas « extrême » parmi plusieurs autres mouvements du genre dans l’Église orthodoxe russe, explique Aleksander Verkhovsky, directeur du Centre Sova, qui étudie les phénomènes religieux dans le pays.

« Il y a quelques milliers de croyants (orthodoxes) en Russie qui s’en font sérieusement avec leur numéro d’assurance sociale, dans lequel ils voient des signes de la venue de l’Antéchrist. » Les disciples de Kouznetsov qui sont sortis de leur abri ont ainsi obtenu des autorités une vache, refusant catégoriquement de boire du lait commercial sous motif que les codes barre pouvaient contenir des messages sataniques.

Selon des estimations, il y aurait en Russie plus de 700 sectes, païennes ou dérivées des religions traditionnelles. Pavel Kouznetsov, ancien ingénieur électrique qui a tout laissé tomber il y a cinq ans pour s’installer à la campagne et propager ses croyances, est un « un simple croyant qui a commencé à se prendre pour un prophète, » soutient Aleksander Verkhovsky. « C’est un leader charismatique traditionnel ».

M. Verkhovsky souligne toutefois que les sectes apocalyptiques dans l’Église orthodoxe sont en perte de popularité aujourd’hui, après avoir connu leur apogée au début de la décennie. « Quand de tels mouvements sont en déclin, il apparaît des éléments plus radicaux. » Comme le groupe de Kouznetsov.

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