lundi 10 mars 2008

La jungle immobilière de Moscou

Publié dans le journal La Presse le jeudi 6 mars 2008 et sur Cyberpresse.ca

Frédérick Lavoie
La Presse
Collaboration spéciale
Moscou

Moscou, la ville la plus chère de la planète, est une jungle quand on cherche à s'y loger.

Le papier peint s'arrache des murs, les tapis sont crasseux, le plafond commence à moisir à la suite d'un dégât d'eau. Les cafards qui se terraient près de la vieille tuyauterie viennent tout juste d'être exterminés. Malgré tout, ce trois-pièces à l'allure soviétique dans le centre de Moscou vaut de l'or.

«C'est 50 000 roubles (2000$) par mois, plus électricité et autres frais», dit la quinquagénaire qui s'occupe de louer l'appartement de sa mère malade, près de la galerie Tretiakov. Pour remettre la cuisine en état, le nouveau locataire devra payer le tiers du montant des réparations, ajoute-t-elle.

Dans la capitale du deuxième exportateur de pétrole au monde, les prix de l'immobilier ont grimpé en même temps que ceux des barils d'or noir au cours des dernières années.

En 2007, la mégapole de 11 millions d'habitants a même été classée «ville la plus chère au monde pour les expatriés» par le cabinet-conseil britannique Mercer. Cela s'explique en bonne partie par les incessantes hausses des prix des logements. En janvier seulement, la valeur du mètre carré habitable a augmenté de 4%.

Comme une bonne partie du commerce en Russie, la location d'appartement se fait souvent au noir. Les propriétaires peuvent ainsi économiser les impôts exorbitants. Mais les locataires, eux, n'ont aucune protection. Sans bail, le propriétaire peut du jour au lendemain augmenter le loyer mensuel de quelques centaines de dollars, ou expulser les occupants sans préavis.

Il n'est pas rare non plus que des agences bidon signent des baux pour des appartements inexistants et empochent la commission, ou que de faux propriétaires louent des logements qui ne leur appartiennent pas, laissant les nouveaux locataires s'expliquer avec le vrai maître de la maison à son retour .

Agences


Pour s'assurer de l'honnêteté de l'autre partie, propriétaires et locataires se tournent de plus en plus vers des agences accréditées, explique Tatiana Tseretselli, agente de location dans la capitale depuis 10 ans. «Ils savent que ça les protège.» En échange de l'équivalent d'un mois de loyer, l'agence s'occupe de formaliser l'entente et de garantir la protection des signataires.

Toutefois, agence ou pas, aucune loi russe n'interdit d'augmenter substantiellement le prix du loyer à la fin d'un bail. «Notre propriétaire a voulu le hausser de 35%» raconte un coopérant belge installé à Moscou. «Nous avons refusé et finalement, à deux jours de la fin du bail, elle a décidé de le laisser au même prix», s'étonne-t-il encore. Comme quoi, dans un marché instable, les bons locataires valent autant que les bons propriétaires.

Tous les Moscovites n'ont pas à se soucier des prix de l'immobilier, puisque les trois quarts d'entre eux sont propriétaires. Cette flambée fait même l'affaire de plusieurs, qui ont profité de la crise financière des années 90 pour acheter les appartements de leurs compatriotes fauchés. Ils ont ensuite fait disparaître la déprimante décoration soviétique, procédé à des rénovations «à l'européenne», en se fiant principalement au catalogue IKEA. Aujourd'hui, ils peuvent vivre aisément de leur lucratif investissement.

La situation est plus difficile pour les non-propriétaires, qui peuvent facilement consacrer plus de la moitié de leur salaire mensuel (en moyenne 1200$) à se loger. Le système de distribution de logements gratuits qui prévalait sous l'Union soviétique existe toujours, mais il ne faut pas trop y compter à court terme: quelque 173 000 familles sont sur la liste d'attente. Cette année, la Ville accordera des loyers à ceux qui ont inscrit leur nom... en 1989!

DES PROPRIOS ENLEVÉS (Agence France-Presse)

La police russe a arrêté un groupe de criminels soupçonnés d'enlever des propriétaires d'appartements de Moscou afin de prendre possession de leur précieux bien, a indiqué la police hier. Deux des personnes arrêtées avaient par différentes méthodes criminelles obtenu la propriété de 300 appartements dans le centre de Moscou.

Dans une de ces affaires, un homme de 30 ans avait été enlevé à Moscou puis hospitalisé avec un faux diagnostic de maladie mentale, ce qui avait laissé son appartement aux criminels, selon la police.

Certaines des personnes kidnappées avaient été utilisées comme esclaves et maintenues en captivité pendant des périodes allant jusqu'à deux ans, précise le texte.

Le dirigeant du groupe recherchait des propriétaires d'appartements vivant seuls. Il les enlevait avec ses complices et les amenait dans les régions d'Orlov et de Rostov où ils étaient maintenus de force en captivité.

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