lundi 28 mai 2007

Chronique d’errance #5: le silence

Écrite et enregistrée dans le bruit casablancais le 26 mai 2007

Version audio

C’est fou comme le silence est fort. Il peut faire encore plus de bien que les mots. Et encore plus de mal.

Ça devrait pourtant être inoffensif un silence, de par sa nature même: un vide, une absence de concrétude, un non-lieu, une anti-existence. Mais non. C’est rempli de sens, de sur-sens, d’hyperliens sensoriels aux aboutissements et aux conséquences infinies.

Les silences qui font du bien existent quand les mots ne sont pas dignes, pas assez forts, pas assez intenses pour représenter ce qui arrive. Ils surgissent dans ces moments arrêteurs de temps, videurs de monde ambiant, unificateurs d’espace-temps, rassembleurs d’existence dans des points de réalité surréelle qui font de ceux qui les vivent, qui occupent leur centre, des personnifications de plénitude, des bonheurs sur deux pattes. Pas besoin de mots quand tout est clair. Et clairement beau.

(Silence)

Et il y a les silences qui font mal. Quand il devrait y avoir des mots pour expliquer, pour pardonner, pour s’en vouloir, pour se détester, pour s’aimer, pour comprendre, quoi, mais qu’il n’y a pas de mots. Pas de bouche qui s’ouvre le coeur, fermé à double tour pour une raison qu’on ne connaît pas.

Ce n’est pas l’absence de sons en soi qui fait mal. C’est l’absence de possibilité de comprendre créé par les mots non-dits maudits.

Ce qui fait mal, c’est le trou noir dans lequel s’enfoncent nos pensées illimitées, l’avalanche d’hypothèses bâties sur du vent, parce qu’il n’y a pas de mur de réponses pour nous arrêter de supputer, à la recherche de la compréhension.

Face au silence radio de ce que l’on voudrait comprendre, s’expliquer, juger; face à ce vide rempli de sens, il y a le soi impuissant avec ses mitraillettes de mots en manque de cible. Et plus il y a le silence, plus les armes qu’on voudrait de paix, d’intercompréhension, se braquent et se fourbissent de délire.
***

Le silence peut faire mal. Très mal.

Le silence qui fait mal crée l’incompréhension. L’incompréhension engendre la folie de ne pas comprendre. La folie – la guerre. La guerre fait mal à tout le monde même si on peut la ressentir, la croire libératrice. Et les victimes, c’est soi et l’autre qui ont eu peur de chercher à se comprendre pour être heureux.

2 commentaires:

rejsor a dit...

Comme c"est beau a lire et a écouter.Tu a le sens de nous faire découvrir par ton écriture ce que chacun de nous ressent lorsque nous sommes confronté a ce qu'est le silence.
Tes mots sont magique et me réconforte.
Continue de m'émerveiller !

Inopinee a dit...

Mille fois merci...Pour tout ce que tu sais et que tu ne sauras jamais, merci d'avoir mis des mots sur ce silence...